Audrey NOEL-PONGERARD, orthophoniste 974 et Docteure en Linguistique, nous fait le plaisir de partager avec nous quelques bribes de ses connaissances sur le Créole Réunionnais.
Au SORR, nous avons pensé pertinent de le publier pour que chaque orthophoniste puisse exercer son art de manière la plus pertinente possible, ici, à La Réunion.
Bonne lecture 😉
Hey, toi ! Oui, toi qui rêves de couchers de soleil, de palmiers bercés par le vent, de randonnées en pleine nature, de tongs ensablés à tes pieds… Sais-tu aussi ce qu’est La Réunion ?
Petit bout de terre de 2512 m2, à quelques heures de l’île Maurice et de Madagascar, La Réunion est magique de part ses paysages mais aussi de part son histoire, sa culture et ses langues.
Découverte au 16ème siècle par Pedro de Mascarenhas, elle n’attire finalement l’intérêt qu’un siècle plus tard, avec l’arrivée d’une douzaine de colons bannis de Madagascar. Lorsqu’on découvre que ces derniers sont loin de dépérir sur cette terre inhabitée et prétendument hostile, l’intérêt pour l’île baptisée l’île Bourbon grandit, et à la fin du 16ème siècle, de nombreux colons français viennent s’y installer. Les cultures s’y développent (café, sucre, vanille…) et deux siècles plus tard, l’île est structurée à la mode coloniale (mais vous apprendrez tout ça en visitant les musées de l’île !).
En 1848, l’abolition de l’esclavage modifie la société réunionnaise : les engagés rejoignent les rangs des affranchis dans les plantations, certains colons s’enrichissent et d’autres font faillite avec la fin de la main-d’oeuvre gratuite.
En 1793, la Révolution française est passée par là, l’île délaisse son nom monarchiste pour celui qu’on lui connait aujourd’hui : La Réunion.
En 1946, La Réunion, passablement oubliée et appauvrie durant les guerres mondiales, devient département français. Elle évolue alors rapidement vers la société que l’on connait aujourd’hui.
La Réunion, de part son histoire, a donc vu réunis en son sein des peuples de tous horizons : colons du sud-ouest et des provinces de France, esclaves de Madagascar et d’Afrique, engagés venant de l’Asie et de l’Inde… chacun a emporté avec lui un morceau d’identité : sa culture et sa langue. Chacun a donc contribué, de manière plus ou moins conséquente, au façonnement de ce qui est devenu le créole réunionnais.
Le créole réunionnais atteint sa forme stable au 18ème siècle. C’est alors la langue de la médiation : celle qui permet la communication entre les différentes strates sociétales, puisque connue par tous, colons comme esclaves. Elle connait par la suite une période de disgrâce : le français s’imposant comme langue de la nation, en Métropole comme dans les territoires d’Outre-Mer, elle est reléguée au rang de patois, de dialecte de petites gens. Après la Départementalisation, elle est même fortement stigmatisée, interdite dans les écoles et les lieux officiels ! Mais elle résiste : aujourd’hui, le créole réunionnais est parlé par une majorité de la population réunionnaise, quelle que soit son origine ethnique. Le créole réunionnais a aussi son assise culturelle : la littérature, la musique, les propositions de graphisation… Le créole réunionnais est reconnu comme langue régionale de France depuis 2001.
Facile à suivre, me direz-vous. Mais le Réunionnais est un filou : il ne parle ni exclusivement français, ni exclusivement créole ! Sa parole est à son image : un métissage… En termes linguistiques, on parle de code-switching (fait d’alterner, lors d’une énonciation, plusieurs langues) et de code-mixing (fait de mélanger les langues dans un même énoncé). De quoi faire perdre la tête à l’orthophoniste que nous sommes !
Ce phénomène langagier, qui peut paraître très original pour un locuteur monolingue, est le fonctionnement typique de tout locuteur bilingue ou plurilingue.
Fonctionnement typique, certes, mais déroutant lorsque nous lançons l’artillerie lourde avec nos tests d’évaluation. La prudence est donc de mise lorsqu’il s’agit « d’orthophoniser » un locuteur réunionnais, d’autant plus si d’autres langues s’en mêlent (malgache, shi mahorais, comorien… pour ne citer qu’elles).
Mais alors vous allez me dire : fort bien, mais comment je sais que j’ai affaire à un Réunionnais ? Est-ce qu’être Réunionnais, c’est être né à La Réunion, avoir grandi ici ? Est-ce qu’un Réunionnais parle forcément créole ? Etre Réunionnais, être créole, est-ce que c’est la même chose ? En quoi la culture réunionnaise diffère-t-elle de la culture métropolitaine ?
On respire, on se pose : Ti lamp ti lamp * vous allez y arriver… c’est la magie de la créolisation, qui va vous concerner aussi.
Petit bout de terre de 2512 m2, à quelques heures de l’île Maurice et de Madagascar, La Réunion est magique de part ses paysages mais aussi de part son histoire, sa culture et ses langues.
Découverte au 16ème siècle par Pedro de Mascarenhas, elle n’attire finalement l’intérêt qu’un siècle plus tard, avec l’arrivée d’une douzaine de colons bannis de Madagascar. Lorsqu’on découvre que ces derniers sont loin de dépérir sur cette terre inhabitée et prétendument hostile, l’intérêt pour l’île baptisée l’île Bourbon grandit, et à la fin du 16ème siècle, de nombreux colons français viennent s’y installer. Les cultures s’y développent (café, sucre, vanille…) et deux siècles plus tard, l’île est structurée à la mode coloniale (mais vous apprendrez tout ça en visitant les musées de l’île !).
En 1848, l’abolition de l’esclavage modifie la société réunionnaise : les engagés rejoignent les rangs des affranchis dans les plantations, certains colons s’enrichissent et d’autres font faillite avec la fin de la main-d’oeuvre gratuite.
En 1793, la Révolution française est passée par là, l’île délaisse son nom monarchiste pour celui qu’on lui connait aujourd’hui : La Réunion.
En 1946, La Réunion, passablement oubliée et appauvrie durant les guerres mondiales, devient département français. Elle évolue alors rapidement vers la société que l’on connait aujourd’hui.
La Réunion, de part son histoire, a donc vu réunis en son sein des peuples de tous horizons : colons du sud-ouest et des provinces de France, esclaves de Madagascar et d’Afrique, engagés venant de l’Asie et de l’Inde… chacun a emporté avec lui un morceau d’identité : sa culture et sa langue. Chacun a donc contribué, de manière plus ou moins conséquente, au façonnement de ce qui est devenu le créole réunionnais.
Le créole réunionnais atteint sa forme stable au 18ème siècle. C’est alors la langue de la médiation : celle qui permet la communication entre les différentes strates sociétales, puisque connue par tous, colons comme esclaves. Elle connait par la suite une période de disgrâce : le français s’imposant comme langue de la nation, en Métropole comme dans les territoires d’Outre-Mer, elle est reléguée au rang de patois, de dialecte de petites gens. Après la Départementalisation, elle est même fortement stigmatisée, interdite dans les écoles et les lieux officiels ! Mais elle résiste : aujourd’hui, le créole réunionnais est parlé par une majorité de la population réunionnaise, quelle que soit son origine ethnique. Le créole réunionnais a aussi son assise culturelle : la littérature, la musique, les propositions de graphisation… Le créole réunionnais est reconnu comme langue régionale de France depuis 2001.
Facile à suivre, me direz-vous. Mais le Réunionnais est un filou : il ne parle ni exclusivement français, ni exclusivement créole ! Sa parole est à son image : un métissage… En termes linguistiques, on parle de code-switching (fait d’alterner, lors d’une énonciation, plusieurs langues) et de code-mixing (fait de mélanger les langues dans un même énoncé). De quoi faire perdre la tête à l’orthophoniste que nous sommes !
Ce phénomène langagier, qui peut paraître très original pour un locuteur monolingue, est le fonctionnement typique de tout locuteur bilingue ou plurilingue.
Fonctionnement typique, certes, mais déroutant lorsque nous lançons l’artillerie lourde avec nos tests d’évaluation. La prudence est donc de mise lorsqu’il s’agit « d’orthophoniser » un locuteur réunionnais, d’autant plus si d’autres langues s’en mêlent (malgache, shi mahorais, comorien… pour ne citer qu’elles).
Mais alors vous allez me dire : fort bien, mais comment je sais que j’ai affaire à un Réunionnais ? Est-ce qu’être Réunionnais, c’est être né à La Réunion, avoir grandi ici ? Est-ce qu’un Réunionnais parle forcément créole ? Etre Réunionnais, être créole, est-ce que c’est la même chose ? En quoi la culture réunionnaise diffère-t-elle de la culture métropolitaine ?
On respire, on se pose : Ti lamp ti lamp * vous allez y arriver… c’est la magie de la créolisation, qui va vous concerner aussi.
* petit à petit
Vous mourrez d’envie d’en savoir plus ? Alors, Audrey vous invite à consulter les ressources suivantes (liste non exhaustive) :
- « Le créole réunionnais de poche », de G. Staudacher-Valliamée
- « Mi koz kréol ! », C. Exiga, D. Honoré et D. Vaxelaire
- « Intérêt de l’analyse des représentations linguistiques et des pratiques langagières à La Réunion dans la pratique orthophonique », A. Noël
- « Bilinguisme et biculture : nouveaux défis ? » Ortho Edition
- « Productions interlectales réunionnaises dans la dynamique créole-français », M. Lebon-Eyquem
- Les travaux de Robert Chaudenson
- Mémoire M2 Audrey NOEL PONGERARD : Intérêt de l’analyse des représentations linguistiques et des pratiques langagières à La Réunion dans la pratique orthophonique. Pour une meilleure évaluation des compétences langagières des enfants
réunionnais.